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BIBLIOGRAPHIE COMMENTEE :
L’Enigme
Christian Ranucci, Maurice Périsset, éditions du Fleuve Noir,
1994
L’auteur :
Maurice Périsset est l’auteur de plusieurs romans
policiers ou d’ouvrages d’études sur ce genre littéraire, comme
par exemple le Panorama du Polar Français contemporain,
publié en 1986.
En
fait, ce livre adapte fidèlement l’ouvrage de Gilles Perrault pour
en faire un roman policier, sans grand intérêt pour ce qui est
de notre démarche. Seul élément intéressant : un témoignage
d’Héloïse Mathon, réalisé en 1978, est publié en appendice du
livre.
L’affaire
Ranucci, de Karin Osswald, éditions J’ai lu, collection
Crimes et Enquêtes, 1994
L’auteur : Karin Osswald est journaliste d’investigation.
Elle est chef du bureau des investigations à RMC Marseille.
Le livre
tient en 8 chapitres. Les 7 premiers reprennent « à la Perrault »
les éléments de l’affaire (faits-instruction-procès-exécution) en
restituant toute leur complexité.
Le 8ème
est une sorte de bilan qui résume les zones d’ombre de
l’affaire et détaille l’échec des 3 tentatives de révision.
C’est ce dernier chapitre que je vais rapidement décrire ici.
L’argumentation d’Osswald a pour point de départ l’année 1978.
Dans le Pull Over Rouge, Gilles Perrault développe
essentiellement deux idées :
A)
le concours de
circonstances a été remarquablement exploité par l’Homme au
pull-over rouge qui a croisé la route de Christian Ranucci
B)
Le système de défense de
Ranucci, élaboré en grande partie par Maître Lombard, a précipité
l’exécution du jeune niçois.
Dès 1978, Maîtres Bredin et Le
Forsenney s’investissent afin d’obtenir la révision du procès.
Pour cela, ils se basent notamment sur l’ambiguïté du croquis
du rapt, qui omet la présence pourtant imposante et
essentielle du platane, ainsi que la disparition de deux pièces
à conviction qui sont le couteau et le pantalon (ces deux
objets ne figurent pas parmi les objets sous scellés).
Le 30
Janvier 1979, M. Peyrefitte, le garde des Sceaux rejette d’emblée
la requête.
Il
affirme avoir la certitude que Ranucci était « bien le coupable ».
Puis justifie la disparition des
pièces à conviction: « 6 mois après les faits, la loi prévoit que
les armes peuvent être remises à l’armée, les objets vendus aux
Domaines et les vêtements non utilisables brûlés par le greffier
en chef ».
Le
commissaire Alessandra profitera de la conférence de presse pour
nier l’accident du chien (qui, rappelons-le, confirme la présence
de Christian à Marseille le 2 Juin 1974).La réponse de Le
Forsonney et Bredin ne se fait pas attendre :
« Le ministre ne doit pas, comme il l’a fait, juger
l’affaire mais dire s'il peut oui ou non y avoir
révision » affirment les deux avocats dans un communiqué. Ils
pensent, à juste titre, que la destruction des pièces à conviction
a eu pour but d’interdire de fait toute révision du procès.
En Avril
1979, un Comité pour la révision du procès est crée. On
peut citer quelques-uns de ces membres : Henri Noguères, Robert
Badinter , Alain Corneau, Costa Gavras, Regis Debray, Raymond
Forni, Georges Kiejman, Jack Lang, Henri Leclerc, Claude Mauriac,
Georges Perec…
La même
année, le film de Michel Drach, Le pull-over rouge, dont la
sortie fut longtemps menacée ( il sortira avec 4 scènes coupées),
soulève un élément important de l’Affaire : l’heure du meurtre
n’est pas datée.
Deux faits nouveaux sont introduits
lors de la seconde requête en révision, déposée en 1987 : l’emploi du temps de
Christian, dans la nuit du 2 ou 3 Juin 1974, est confirmé par le
témoignage de Daniel Moussy.
La falsification du
procès verbal relatif aux éléments retrouvés est clairement
démontrée. La mention « pantalon d’homme de couleur sombre »,
relative au pantalon saisi dans le garage de Christian, n’est
pas alignée avec le reste du PV. Héloïse Mathon, la mère de
Christian, affirme que les traces de sang sur le pantalon sont dues
à un accident de moto qu’avait eu Christian avant le procès.
Depuis, Christian gardait ce pantalon pour bricoler dans son
garage.
Le rejet
cette deuxième requête aboutira à une réhabilitation du verdict de
1976, de telle sorte que l’on dit souvent qu’il constitue une
sorte de seconde condamnation de Christian. De même, l’enquête
menée en vue de la révision, coordonnée depuis 1981 par le
commissaire Joseph Le Bruhec, alors haut fonctionnaire de police,
se soldera en 1987, sous la pression des syndicats de police, par
un échec.
Le 23
Juin 1989, la procédure de révision est modifiée : le garde
des sceaux ne possède dorénavant plus de droit de veto et une
commission de révision, essentiellement composée de magistrats, se
substitue à lui. De même, la définition du « fait nouveau »,
susceptible d’entraîner une révision, est élargie : désormais, il
n’est plus nécessaire de prouver l’innocence d’un condamné pour
obtenir la révision d’un procès ; un doute sur la culpabilité
de ce dernier suffit.
En 1991,
un mémoire de 122 Pages, déposé par Héloïse Mathon, recense les
onze faits nouveaux qui justifient une révision du procès. Cette
démarche constitue la base de la troisième requête en révision,
déposée la même année.
Voici
quels sont ces onze faits nouveaux :
1°) Les témoignages d’Eugène Spinelli et de Jean Rambla, qui
restent les deux témoins directs de l’enlèvement, n’ont pas
été pris en considération lors du procès.
2°) Les
époux Aubert ont déclaré ne pas reconnaître le ravisseur en
la personne de Christian, avant de se rétracter.
3°) Le
fait que Christian rentre tranquillement chez lui, regarde la télé
ne correspond pas au comportement d’une personne
susceptible d’avoir commis un tel acte.
4°)
Héloïse Mathon affirme avoir lavé la chemise de Christian, avant
que les gendarmes ne viennent l’interroger, et n’a pas relevé
la présence de traces de sang.
5°) La saisie du pantalon dans le garage (qui en fait n’est
pas le bon) correspond à une mise en scène visant à renforcer la
thèse de la culpabilité de Christian.
6°) La falsification du PV relatif au pantalon. 3 experts
(1 parisien et 2 marseillais) affirment que l’erreur a
vraisemblablement été délibérée.
7°) Le
couteau a d’abord été retrouvé au bout de deux heures (ce
qui est long pour chercher un couteau sur une surface de quelques
mètres carré, à partir d’indications soi-disant précises). En
outre, la date de saisie du pantalon est erronée ( la date du 5
est mise en avant alors que le couteau n’a pu être saisi que le 6
Juin).
8°) L’autopsie
est incomplète. Ainsi, l’heure du décès fait défaut.
9°)
Le chien a retrouvé le cadavre après 50 heures de recherches.
Or, selon des experts, il ne peut plus sentir de corps après 48
heures. De plus, le chien a prétendument senti la trace de
Christian à partir du pull-over rouge (qui ne lui appartient pas).
10°) Le
témoignage de Daniel Moussy prouve que ce n’est pas
Christian qui a menti (contrairement à ce qu’ont cru les jurés au
procès) mais bien Alessandra, qui nie l’accident du 2 Juin à
Marseille. Cet élément révèle aussi le faux témoignage de
Fratacci, qui dit ne pas avoir interrogé Moussy, ce que dément le
commissaire Alessandra lui-même (car, selon ses mots, « il [lui]
en a fait un rapport »).
11°) La
raison du déplacement de Christian à Marseille le 2 Juin est
donnée par la tante de ce dernier, qui l’a vu « devant la villa
de son père » : cela signifie que Christian a fait le
déplacement vers Marseille afin de rendre visite à son père.
Malgré
tous ces éléments, l’audience de la Commission de Révision
confirme, le 15 Novembre 1991, et ce malgré la modification de la
procédure de révision, que la culpabilité de Christian Ranucci ne
fait aucun doute…
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